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La (new) Cadillac Database©

La Cadillac Eldorado Brougham
1957 - 1960

 

2ème Partie
La naissance de la Brougham

Réflexions sur le "dream-car" Eldorado Brougham de 1955

 

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Dans une interview, Harley Earl se remémorait que "selon les archives, les premières minutes de réunions à propos de l'Eldorado Brougham ont eu lieu le 4 mai 1954 ; elles avaient entre autres pour objet les premières spécifications relatives à son habitacle. Nous nous étions difficilement mis d'accord sur quatre places assises ainsi que sur les dimensions générales de l'habitacle. Peu après, l'empattement et les voies étaient fixés, et un gabarit d'habitacle était construit, dont les sièges, le volant et les pédales étaient conformes à nos croquis à l'échelle 1. C'est à ce moment que j'ai donné mon accord pour commencer une maquette en argile grandeur nature.

Dans le "dream-car" Eldorado Brougham de 1955, on retrouvait combinées toutes les caractéristiques stylistiques et mécaniques des précédents "dream-cars" Cadillac (l' "Orleans" de 1953 et la "Park Avenue" de 1954).

Ed Glowacke, à l'époque responsable du studio Cadillac, fit achever la maquette en argile pour la présenter aux cadres dirigeants en août 1954. Cette maquette, lisse et basse, obtint leur approbation. Commença alors immédiatement la fabrication à la main du prototype qui devait être exposé au Motorama 1955 cinq mois plus tard.

La voiture fut mise en peinture le 10 janvier, seulement neuf jours avant la date prévue pour le début du spectacle à New York, à deux jours de voyage de Detroit. Le 14 janvier à 2 h du matin, 14 heures avant le lever de rideau, la Brougham fut endommagée à l'avant et à l'arrière en tombant par accident de son chariot de transport. On entreprit précipitamment des réparations d'urgence. Et heureusement, aucune trace de cette mésaventure n'était encore visible lorsque, quelques heures plus tard, le public du spectacle se pressa autour de la voiture sur son plateau tournant.

Br55clr2.jpg (10129 bytes) La Fleetwood "Eldorado Brougham" de 1955, concept-car n°XP-38 (commande spéciale n°2253), fut montrée pour la première fois à New York à un public restreint (sic) de 5100 personnes, le 19 janvier 1955 à partir de 16 heures (le grand public enthousiaste ne devait voir la voiture que le lendemain dans la grande salle de bal de l'hôtel Waldorf). Le service commercial de Cadillac décrivait la Brougham du Motorama 1955 en ces termes :

Fonctionnelle jusqu'au moindre détail, la nouvelle Cadillac Eldorado Brougham 1955 est un "show-car" de luxe, qui s'écarte assez largement du style automobile conventionnel.

Les caractéristiques extérieures de cette voiture totalement nouvelle sont un empattement de 124 pouces [3,15 m], une longueur hors tout de 209,6 pouces [5,32 m], une largeur hors tout de 77,5 pouces [1,97 m] et une hauteur hors tout de 54,4 pouces [1m38].

Les dimensions extérieures ont été réduites sans le moins du monde sacrifier le confort. Cette voiture à quatre portes est d'accès facile, et l'absence de montants centraux de portières donne au conducteur comme aux passagers un angle de vision potentiel de 360°.

Stylée à la manière d'un avion à réaction, l'Eldorado Brougham propose aussi des prises d'air au sommet des ailes avant, des sorties d'air dans les portières arrière intégrées à la carrosserie et des combinés de phares doubles : les phares extérieurs pour la ville, les phares intérieurs pour la route, le tout contrôlé automatiquement par l' "Autronic Eye".

Surmontée d'un toit en aluminium brossé, la partie basse de la carrosserie est traitée en vert caméléon.

L'agencement intérieur est en tous points digne de la modernité de l'extérieur. La couleur est également vert caméléon avec du cuir pleine fleur, et on a utilisé un habillage de soieries importées de France. Les quatre sièges individuels ont été étudiés pour donner le maximum de confort, et le siège du conducteur peut pivoter vers l'extérieur, rendant l'entrée et la sortie du véhicule presque automatiques. Le tableau de bord doté d'un rembourrage anti-chocs a été conçu pour avoir la meilleure vision possible sur les commandes.

Des compartiments dans la planche de bord et entre les sièges avant sont prévus à l'usage du conducteur et des passagers avant.

A l'avant du compartiment entre les sièges se trouve un éclairage de courtoisie qui sert aussi de liseuse de cartes.

La toute dernière création de la GM pour le Motorama a fait l'objet d'un article dans Car Life en mai 1955, où l'on pouvait lire la description suivante :

Sur un plan plus pratique, Cadillac a aussi construit l'Eldorado Brougham avec une hauteur hors tout de 54,4 pouces [1m38] et sans montant central de portières. Les ailes et les lignes arrière caractéristiques sont complétées par un toit teinté en aluminium brossé. Selon Cadillac, les combinés à deux phares procurent l'éclairage le plus efficace à ce jour. Les phares extérieurs sont des feux de croisement à faisceau large, et les phares intérieurs sont des feux de route à faisceau très perçant. Les deux combinés sont contrôlés par un "Autronic-Eye" situé en partie haute du pare-brise.

En utilisant de nouvelles méthodes de construction, Cadillac a réduit l'ensemble des dimensions extérieures sans sacrifier le confort des passagers. Les sièges sont individuels et sont assortis à la carrosserie. L'empattement est de 124 pouces [3,15 m], la longueur hors tout est de 209,6 pouces [5,32 m] et la largeur de 77,5 pouces [1,97 m]. La couleur vert caméléon est une teinte très iridescente créée expréssément pour la Brougham, et l'intérieur est traité avec la même teinte, en cuir et en soie française importée.

Le dossier de presse de l'étape de Boston du Motorama , à partir du 23 avril 1955, utilisait des termes à peine différents. Il porte la référence O'Hk 5 11255.

En septembre 1955, bien après la clôture des fastes du Motorama, on pouvait trouver dans la revue Motor Life une double page illustrée sur le prototype Eldorado Brougham de1955.

Sous le titre "l'Eldorado Brougham - UNE NOUVELLE CADILLAC POUR 1956", l'auteur suggérait un retour du segment des voitures de très grand luxe, négligé depuis les années 30. Il considérait avec certitude l' "Eldorado Brougham" comme un modèle précurseur en matière de style.

L'auteur se concentrait particulièrement sur les points suivants :

A l'extrémité avant de chaque aile, les phares doubles ont des optiques de 5 pouces de diamètre [12,7 cm]. Les phares extérieurs sont des feux de croisement à faisceau large ; les phares intérieurs sont des feux de route. En fonction des conditions de roulage, le passage de l'un à l'autre se fait par un Autronic Eye.

A l'intérieur, le tableau de bord est rembourré, et les commandes profondément encastréees, le siège du conducteur pivote vers l'extérieur pour faciliter l'entrée et la sortie, et on trouve des compartiments de rangement entre les sièges avant, ainsi qu'entre les sièges arrière. On remarque l'absence de déflecteurs, jugés inutiles sur une voiture dotée en série du chauffage et de la climatisation.

Cadillac appelle "quad exhaust" le système à deux sorties d'échappement à travers l'extrémité de chaque aile arrière. On peut dire que cela équilibre les deux doubles phares de l'avant, mais on ne connaît pas l'influence sur le rendement du moteur.

Les jantes en magnésium simulent des roues à rayons [?], mais seront évidemment plus faciles à nettoyer et à faire briller. Le pare-chocs avant est un trait de style Cadillac depuis plusieurs années. Soit dit en passant, le toit de la Brougham est en aluminium teinté, laissant prévoir l'usage généralisé de métal inoxydable dans les voitures à venir [cela n'a pas été le cas - pas de bol!].

Les portières arrière s'ouvrent contre le vent (...), une caractéristique de ces voitures à quatre portes sans montants. Mais les ingénieurs de chez Cadillac disent avoir développé un système de sécurité pour éviter les incidents. On remarque que l'arrière des portières est surmonté d'une section triangulaire. La bande chromée sur le flanc de la caisse, un autre trait de style Cadillac ces dernières années, est le seul ornement vertical, ce qui pourrait indiquer plus de sobriété dans l'ornementation extérieure à l'avenir. Un point significatif : l'empattement de la Brougham est de 124 pouces [3,15 m], soit cinq de moins [13 cm] que la série 62 actuelle. D'autres constructeurs américains préparent-ils des voitures de dimensions plus réduites ?

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(à gauche) les quadruples phares étaient illégaux dans la plupart des Etats américains jusqu'en 1957 ;
(à droite) l'arrière de la voiture de série sera différent

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(à gauche) le tableau de bord était sobre et fonctionnel; (au milieu) seul le siège du conducteur
pouvait pivoter ; (à droite) à l'avant comme à l'arrière, les sièges étaient individuels

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(à gauche) le montant arrière de toit inversé est apparu sur les Cadillac de série en 1957;
(à droite) les portes arrière de type "suicide".

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(à gauche) le siège du conducteur pivotant ne fut pas retenue pour le modèle de série ;
(à droite) les ailerons sur le prototype Eldorado Brougham de 1955 marquent une transition du style entre ceux du début et ceux de la fin des années 50  

 

Comme chacun sait, la réponse à la dernière question fut un "oui" massif, même si l'industrie a dû attendre quelques années avant l'émergence en masse de nouvelles voitures compactes comme la Corvair (de Chevrolet), la Comet (de Ford), la Dodge Dart et la Plymouth Valiant (de Chrysler) ... et la compacte la plus "chaude" de toutes, la Mustang (de Ford).

Le reportage publié par Modern Motor en septembre de la même année était plus détaillé. Meilleure que la meilleure, proclamait le titre. En effet, selon Cadillac, la nouvelle Eldorado ferait oublier la Rolls Royce.

Voilà qui ne serait pas chose facile, comme le remarquait le chroniqueur, Larry Foley.

En illustration de l'article, on trouvait la fameuse photo publicitaire de l'arrière de l'Eldorado Brougham, prise à Miami pendant le Motorama, sur laquelle la Brougham était bien mise en valeur par une adorable blonde platine dans le genre de Marilyn Monroe.

Voici quelques extraits choisis de l'article de Larry Foley :

Deux constructeurs automobiles américains majeurs ont fini par trouver le temps de s'intéresser aux désirs de leurs clients - du moins les multi-millionnaires.

Ils pensent qu'il est grand temps pour eux d'avoir une voiture à la hauteur de leur compte en banque, un équivalent américain de la Rolls Royce.

... La Cadillac est devenue si courante sur les autoroutes américaines que l'homme qui la conduit n'a plus rien d'un être distingué.

Des gens tout à fait ordinaires conduisent des Cadillac. Ils sont peut-être pauvres, mais veulent avoir l'air riches.

... D'ici la fin de l'année [1955] il y aura une nouvelle catégorie d'automobilistes. Deux nouvelles voitures, spécialement destinées aux très riches, sont en projet :

* La Lincoln Continental Mark II, fabriquée par Ford.

* L'Eldorado Brougham, par Cadillac (General Motors).

Des deux sociétés, la plus tonitruante à ce jour est Cadillac ...[ils] sont bien plus américains dans la promotion en avant-première de l'Eldorado Brougham.

Les gens de chez Cadillac ont tout simplement annoncé qu'ils entraient en concurrence avec l'Anglais Rolls-Royce. Selon eux, leur nouvelle voiture de luxe "va faire oublier la Rolls Royce".

En Angleterre, les dirigeants de la firme Rolls-Royce, qui aurait pu être amusés par des gens si présomptueux, ne semblent pas avoir entendu. A en juger par la description de l'Eldorado Brougham, R.R. n'a rien à redouter de cette offre de compétition transatlantique. Avec ses lignes racées et basses (4 pieds 6 pouces [1m38] de haut seulement), quatre phares, un quadruple échappement, des pare-chocs arrière "en projectiles" et un chromage massif et éblouissant, l'Eldorado Brougham est peu susceptible de séduire l'aristocratie à laquelle s'est toujours adressé Rolls-Royce, apparemment avec une mutuelle satisfaction, puisque R.R. se porte bien depuis 51 ans et n'a toujours pas besoin de publicité plus éclatante que ses simples et traditionnels petits encadrés dans des journaux comme le "Times" : "La meilleure voiture du monde".

Personne n'a jamais démenti cette affirmation ; vous pouvez donc, soit admirer Cadillac, soit sourire d'eux pour leur annonce impudente selon laquelle leur Eldorado Brougham va détrôner la Rolls.

Le seul vrai test de la valeur d'une voiture aux yeux du monde est la légende qui l'entoure. Sur ce point, Cadillac est de très loin distancé par Rolls.

... Il reste à voir si Cadillac, avec sa super-hyper-bagnole, peut se mesurer à ce quelque chose [que, dans l'article, Rolls Royce prétend avoir]. J'en doute. Pour une raison bien simple, qui est que l'Eldorado Brougham n'affichera même pas un prix décent.

Il me semble que le meilleur qu'ils pourront faire sera aux alentours de 10.000 dollars. Cela ne sera même pas suffisant pour battre leur rival américain, Ford, qui va sans doute faire payer sa Continental Mark II aux alentours de 12.000 dollars.

Avec des prix aussi bas [!], ils seront tous les deux loin derrière la Rolls, qui coûte 14.000 dollars avant même d'y avoir fait le moindre rajout, comme la sellerie assortie à la doublure des fourrures de Madame, ou l'eau courante - chaude et froide -, ou les vanity-cases en orfèvrerie (3.000 dollars le bout), ou les planches de bord plaquées or avec pendule Cartier constellée de diamants, ou des miroirs de courtoisie repliables de chez Mappin and Webb à Londres, ou les mini-bars intégrés, ou les capots moteur plaqués argent, ou les couvertures de voyage en fourrure hors de prix, ou la sellerie au point de croix, toutes choses que l'on trouve à des degrés divers dans les Rolls Royces d'Anglais, de rajahs des Indes ou d'Américains contemporains bien connus.

Les clients potentiels de ces deux modèles ont une consolation : l'exclusivité de leur voiture ne souffrira pas d'une production de masse. Elles seront toutes les deux produites en quantité limitée, d'environ 1000 par an pour l'Eldorado Brougham, et environ 8 par jour pour la Continental [environ 2000 par an].

... Toutes les deux sont mises au point dans le plus grand secret, et aucun des deux constructeurs n'a encore révélé de photos ou de détails.

... Quand elle sortira, on pense que l'Eldorado sera encore moins surprenante puisque son prototype a été exposé (avec moulte publicité) cette année comme "dream car" au Motorama , le spectacle annuel de la General Motors.

Ce dream car était en fait appelé Eldorado Brougham, mais la voiture de production sera une version modifiée du modèle d'exposition du Motorama.

Une des modifications sera [l'absence de la] petite blonde en robe du soir blanche qui semblait faire partie intégrante de la voiture du Motorama. Une enquête discrète à la direction de Cadillac semble indiquer que la blonde ne sera pas comprise dans le modèle de série.

Dommage, je pensais que la blonde était un point sur lequel les boys de Cadillac avaient mis la pâtée aux pauvres vieux de Rolls-Royce.

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On peut en trouver davantage sur l' "Eldorado Brougham" du Motorama dans Motor Trend d'avril 55 (couverture et pp.16-20), le numéro du 30ème anniversaire de SSA (pp.47-49), MC, automne 1974 (p.6) et Motor Life, 9/55.  J'ai aussi lu une description de cette voiture dans l'hebdomadaire français "Journal de l'Automobile" comme "le cabriolet Eldorado avec son toit mobile en aluminium" !

Comme documentation publicitaire d'usine sur cette voiture, il existe une petite carte et un petit dépliant à 4 volets ; sur les deux, la voiture est peinte en noir au lieu de la vraie couleur, qui était "vert caméléon" (une nuance de turquoise).

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© 1996, Yann Saunders et le Cadillac-LaSalle Club
[image de fond : le show-car Cadillac Eldorado Brougham de 1955]